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Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/117

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insolents, » continua la vieille dame ; « oui, il vous regarde en ayant l’air de nous dire : Pauvres diables ! … »

— « Comme vous vous trompez sur son caractère, » répliqua René ; « il a un peu la manie de la société élégante, c’est vrai, mais c’est si naturel à un artiste ! … Tenez, moi-même, » continua-t-il en souriant, « mais j’ai été ravi d’aller dans cette soirée hier, de voir cette espèce de palais, ces fleurs, ces toilettes, cette magnificence… Est-ce que vous croyez que cela m’empêcherait d’aimer mon modeste chez moi et mes vieux amis ? … Nous autres, gens de lettres, voyez-vous, nous avons tous cette rage du décor brillant ; mais Balzac l’a eue. Musset l’a eue… C’est un enfantillage qui n’a pas d’importance… »

Tandis que le jeune homme parlait, Rosalie lança du côté de sa mère un regard où se lisait plus de bonheur que ses pauvres yeux n’en avaient exprimé depuis des mois. En avouant ainsi et raillant lui-même ses plus intimes sensations, René obéissait à un mouvement du cœur trop compliqué pour que la simple enfant en comprît le rouage. Il avait vu, à l’angoisse des prunelles de la jeune fille, quand madame Offarel avait prononcé cette phrase : « votre beau monde, » que le secret de l’attraction exercée sur lui par le mirage de l’élégance n’avait pas é