Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/165

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Quand vous vous vantez de votre âge, c’est mauvais signe. Vous vous êtes ennuyé à la Chambre ou dans un de vos conseils d’administration… »

En prononçant ces mots, elle avait marché vers la petite table, sur laquelle ses yeux purent rencontrer les deux tasses de son goûter avec René. Se souvint-elle alors du rôle de madone qu’elle avait joué à cette place, un quart d’heure auparavant, et du beau jeune homme à qui elle avait prodigué les grâces les plus délicates de ses attitudes ? Si cette pensée traversa son front lisse et que ses cheveux blonds encadraient de leurs bandeaux clairs, éprouva-t-elle un peu de honte, — quelque regret du moins que le poète fût parti, ou bien une impression malicieuse, comme ces hardies comédiennes en ressentent dans leurs minutes d’intime hypocrisie ? Elle prépara le thé avec le même soin qu’elle avait mis tout à l’heure à ce savant dosage. Le baron s’était tout naturellement abandonné dans le fauteuil où René avait pris place. Suzanne de son côté s’assit sur la chaise qu’elle occupait auprès du jeune homme, et elle écoutait Desforges causer. Cet homme aimable avait le défaut de dogmatiser par instants. Il savait la vie, c’était sa grande prétention, et justifiée. Il y mettait seulement un peu trop de prix.