Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/166

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— « C’est vrai que la séance au Palais-Bourbon a été cruelle, » disait-il. « J’y ai assisté pour entendre cet excellent de Sauve partir à fond contre le ministère. Il croit aux discours encore, aux triomphes oratoires dans le Parlement. Quant à moi, depuis que j’ai refusé d’être ministre au Seize Mai, c’est entendu, je suis un sceptique, un frondeur, un pessimiste… On veut bien de moi sur les listes électorales, parce que mon grand-père a été préfet sous le grand empereur, et moi, conseiller d’État sous l’autre… Le nom fait bien au bas d’une affiche… Quant à m’écouter, c’est une autre affaire. Et ils ont une peur de moi ! Au cercle, quand j’y passe vers les cinq heures, ils sont là une demi-douzaine de mes jeunes et de mes vieux amis qui restaurent la monarchie, en regardant passer les femmes, l’été, sur la terrasse, ou l’hiver, dans le fond du salon, entre deux parties de besigue… J’arrive… Si vous voyiez leur mine, et comme ils changent vite de conversation ! … Toujours la jugeotte… Je serais allé leur dire quelques vérités, aujourd’hui, pour me soulager, mais j’ai mieux aimé passer rue de la Paix, et prendre vos boucles d’oreilles qui devaient être prêtes… »

Il sortit de sa poche un petit écrin, à l’intérieur duquel ne se trouvait aucune marque qui pût donner l’adresse du joaillier, et il le tendit,