Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/182

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comme une musique, les quatre syllabes de ce nom : — René Vincy ? À quelle tentation secrète répondit-elle, tout en faisant courir la houppette de poudre sur ses seins et ses épaules : « N’y pensons pas ! » Elle avait vu le jeune homme deux fois. Une femme comme elle, l’amie, presque l’élève du Parisien Desforges, elle, la plus positive des mondaines et qui s’était vendue pour avoir toujours autour de sa beauté ce linge souple et parfumé, ces jupons de soie molle comme celui que la femme de chambre agrafait au bas du corset, et les innombrables délicatesses d’une grande vie de courtisane, oui, cette femme-là pouvait-elle se prendre aux yeux et aux paroles d’un poétereau de hasard, rencontré la veille, oublié aujourd’hui ? Elle s’était dit : « N’y pensons pas… » et elle y pensait de nouveau… Quelle étrange chose que, depuis la veille, elle ne pût pas secouer cette idée, qu’il serait bien doux d’être aimé de lui ? Si l’on avait prononcé devant elle cette formule démodée : « le coup de foudre… » elle aurait haussé avec un infini mépris ses blanches épaules sur lesquelles elle disposait maintenant, après avoir mis sa robe blanche des soirs d’Opéra, les rangs de perles de son collier ; et, cependant, de quel autre mot définir le rapide et brûlant passage d’émotion que la vue du jeune homme lui avait infligé,