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Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/204

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dans son esprit, assise au premier plan de ce paysage d’hiver, à ces saintes derrière lesquelles les peintres primitifs développent un horizon d’eaux et de verdures ! Mais c’était une sainte à qui le premier couturier de Paris avait taillé cette robe, une sainte qui secouait à chaque mouvement le même parfum d’héliotrope qui avait déjà tant troublé le jeune homme ; et cette sainte laissait voir, à travers l’échancrure de sa longue manche ouverte, un bras autour duquel tremblaient deux anneaux d’or et dont le duvet fauve brillait dans le soleil, comme ses cheveux, délicieusement !

Ce que René avait tant appréhendé n’eut pas lieu. Madame Moraines ne prononça pas un mot qui fit allusion ni à l’Opéra ni à leur rencontre au tournant de la rue. Durant ce début de visite, elle continua de travailler, assise devant son ouvrage, ayant amené la conversation tout naturellement, à propos de l’enthousiasme de madame Komof sur les projets d’avenir du jeune homme. Elle parlait, elle qui n’aurait pas su distinguer Béranger de Hugo, ou Voltaire de Lamartine, comme une personne occupée uniquement de choses littéraires. Elle avait rencontré Théophile Gautier deux ou trois fois sous l’Empire, et, d’ailleurs, à peine regardé, tant elle le trouvait dépourvu d’élégance britannique, ce qui ne l’empêcha pas, ayant deviné l’enthousiasme de René,