Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/205

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de lui décrire le grand écrivain en détail. Il l’avait tant intéressée ! Elle devait même avoir des lettres de lui.

— « Je vous les chercherai, » dit-elle, puis, prenant texte de ce mensonge : « Je me suis reproché de vous déranger pour vous demander un autographe. Mais mon amie part demain pour la Russie. »

— « Que dois-je écrire ? » fit le jeune homme.

— « Ce que vous voudrez, » dit-elle en se levant. Elle alla chercher la brochure, puis elle l’installa au mignon bureau encadré de lierre. Elle préparait toutes choses pour lui rendre la tâche plus commode, elle ouvrait l’encrier à fermoir d’argent, elle assurait la plume dans le porte-plume d’écaille et d’or ; ce faisant, elle frôlait René, elle l’enveloppait du frisson de ses manches, du parfum de toute sa personne, si bien que la main du poète tremblait un peu en copiant, sur la feuille de garde de l’exemplaire, la chanson en deux strophes que la bonne madame Éthorel avait qualifiée de sonnet :

Le spectre d’une ancienne année
M’est apparu, tenant aux doigts
Une blanche rose fanée,
Et murmurant à demi-voix :
« Où donc est ton cœur d’autrefois ?