Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/206

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Où donc est l’espérance, éclose
Comme cette rose, en ton cœur ?
Douce espérance et douce rose,
Ah ! quel parfum était le leur,
Quand toutes deux étaient en fleur ! … »

Lorsqu’il eut fini de tracer ces lignes, madame Moraines lui prit des mains le livre, et, debout derrière lui, comme se parlant à elle-même, elle récita les deux strophes d’une voix adoucie, presque insaisissable. Elle ne prononça ni un mot d’éloge, ni un mot de critique. Elle resta silencieuse, après avoir soupiré ces vers, comme si leur musique caressait dans sa rêverie une place infiniment douce. René la regardait avec une émotion presque folle. Comment eût-il résisté à cette suprême, à cette adorable flatterie qu’elle venait d’imaginer pour séduire le jeune homme, et qui s’adressait d’une part à sa secrète vanité d’artiste, de l’autre à sa plus fine sensation de beauté ? Car elle avait su si bien se poser, pour cette lecture ! Elle connaissait trop le charme de son visage ainsi aperçu de trois quarts, les yeux perdus. Ils se rabaissèrent vers le poète, ces beaux yeux que venaient d’émouvoir ses vers. Pour un peu, ils auraient demandé pardon du songe où ils s’étaient égarés. Elle sembla écarter, pour ne pas les profaner, ces visions de poésie, et, avec une curiosité, aussi réelle cette