Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/287

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’où lui vient une missive, la déchira et parcourut la lettre rapidement après avoir jeté les yeux d’abord sur la signature ; puis, se levant pour aller la placer parmi d’autres sur le bureau entouré de lierre :

— « Encore une lettre de pauvre, » dit-elle, « c’est étonnant, ce qu’il m’en arrive ces jours-ci ; et vous, Frédéric, comment vous en tirez-vous ? »

— « Mais c’est bien simple, » répondit le baron, « cinquante francs à la première demande, vingt francs à la seconde, rien à la troisième. Mon secrétaire a mes ordres pour cela… En voilà encore un cliché auquel je ne crois pas : la charité ! … Comme si c’était par manque d’argent que les pauvres sont les pauvres. C’est leur caractère qui les a faits tels, et cela, vous ne le changerez pas… Tenez, la personne qui vous quête aujourd’hui, gageons vingt-cinq louis qu’en allant aux renseignements vous trouverez qu’elle a eu dix fois, dans sa vie, la fortune en main, ou l’aisance. Vous lui constitueriez un capital que ce serait la même chose après quelques années… Je veux bien donner d’ailleurs, et tant que l’on voudra… Mais quant à croire que l’argent ainsi dépensé soit de la moindre utilité, c’est une autre affaire… Et puis, je les connais, les bienfaiteurs et les bienfaitrices ; je la connais, la réclame, et