Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/300

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sur le terrain les leçons de la salle ? — L’assurance qu’il lui avait donnée de leur solitude l’avait fait tressaillir de joie, le coup d’œil jeté sur cette petite chambre si intime, si minutieusement rangée et parée, l’avait ravie comme un signe qu’elle ne s’était pas trompée au sujet du passé de René. Tout ici révélait une vie studieuse et séparée, la pure et noble vie de l’artiste qui s’enveloppe d’une atmosphère de beaux songes. Et plus que tout, c’était le jeune homme qui lui plaisait, avec ses prunelles brûlantes, sa câline manière de s’approcher d’elle, et elle comprenait que ce chemin des confidences réciproques sur leurs souffrances communes devait la conduire à son but sans qu’elle risquât de rien diminuer de son prestige.

— « Et moi, » répondait-elle, « croyez-vous que je n’ai pas souffert ? Pourquoi vous le nier ? … Vos lettres ? … Dieu m’est témoin que je ne voulais pas les lire. Je suis restée un jour entier avec la première dans ma poche, sans pouvoir la détruire et sans déchirer l’enveloppe. Vous lire, c’était vous écouter de nouveau, et je m’étais tant promis que non ! J’avais tant demandé à mon ange gardien la force de vous oublier… Ah ! j’ai bien lutté ! … » Ici la madone, apparut pour la dernière fois. Elle leva ses yeux au ciel, — représenté, pour la circonstance, par un plafond auquel