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Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/382

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défiance et depuis la rencontre de Paul, subi un assaut d’affreuses hypothèses. Le contraste avait été trop fort entre l’accueil que lui avait fait Moraines et le caractère de mari tyrannique décrit par Suzanne : « Pourquoi m’a-t-elle trompé sur ce point encore ? » s’était demandé René, qui était venu chez madame Komof sans but bien précis, mais avec l’espérance secrète, au fond de lui, qu’il entendrait parler de Suzanne par les gens de son monde. Ceux-là du moins devaient la connaître ! Hélas ! D’avoir causé avec Moraines lui avait suffi pour le jeter de nouveau dans le pire abîme du doute. Une vérité lui était devenue évidente : Suzanne s’était servie de son mari comme d’un épouvantail afin de n’avoir pas à le recevoir chez elle, lui, René ? Pourquoi ? sinon qu’elle avait un mystère à cacher dans sa vie. Quel mystère ? … Colette s’était par avance chargée de répondre à cette question. Sous l’influence de cet horrible soupçon, René avait conçu un projet d’une exécution très simple, et dont le résultat lui parut devoir être décisif : profiter de l’invitation du mari pour demander à Suzanne d’aller chez elle. Si elle disait oui, c’est qu’elle n’avait rien à dissimuler ; si elle disait non ? … Et le jeune homme, en qui revenaient toutes ces pensées, continuait à regarder ce visage adoré, sur son épaule. Comme chacun de