Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/483

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j’en ai été jalouse ? — Pourquoi te le cacher maintenant ? — Il te faut Paris pour écrire… Je te verrais triste auprès de moi… Je te verrais m’aimant par devoir, par pitié, malheureux, esclave ! … Non, je ne le supporterais pas ! … Mon amour, quitte ce projet insensé, dis que tu me pardonnes sans cela, dis-le, mon René, dis-le ! … »

Elle s’était rapprochée du jeune homme à mesure qu’elle parlait, appuyant sa gorge contre lui, cherchant sa bouche. Il sentit, avec un tressaillement de désir à la fois, et une nausée contre le plan de séduction attesté par ce détail, qu’elle n’avait pas de corset. Il la prit par le poignet, et le lui tordit en la rejetant loin de lui, durement :

— « Ainsi tu ne veux pas, » dit-il avec exaltation, « répète-moi que tu ne veux pas… »

— « Je t’en supplie, mon René, » reprit-elle avec des larmes dans sa voix et dans ses yeux, « ne me repousse pas… Mais puisque nous nous aimons, ah ! soyons heureux ! … Prends-moi comme je suis, avec toutes les misères de ma vie… C’est vrai… J’aime le luxe, j’aime le monde, j’aime ce Paris que tu hais… Non, je n’aurai pas le courage de tout quitter, de tout briser… Prends-moi ainsi, puisque tu sais bien, puisque tu sens que je te dis vrai quand je te jure que je t’aime, comme je n’ai jamais aimé… Ah ! Garde-moi ! …