Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/142

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honneur, ne put se contenir davantage, et il demanda : — « Est-ce pour moi que vous venez de dire cela, Nortier ?… » — « C’est pour vous, » répartit le mari. Le visage de San Giobbe pâlit plus profondément encore, il esquissa un geste, puis sa main, à demi levée, retomba en se crispant. L’émotion de cette scène lui donnait une de ces crises où il sentait comme un couteau aigu s’enfoncer dans sa poitrine et sa vie s’arrêter. Il dit, d’une voix à laquelle le souffle manquait : « Ah ! vous ne m’auriez pas parlé ainsi autrefois… » Et il se laissa choir sur une chaise, en ayant pourtant la force, malgré son atroce douleur, de mettre le doigt sur la bouche, pour supplier son ennemi de se taire. Il venait de voir Béatrice entrer dans le salon. Avait-elle, sur le point de franchir le seuil, hésité un instant et, malgré elle, écouté les terribles paroles échangées entre les deux hommes ? Ou bien comprit-elle, à voir les trois interlocuteurs en face les uns des autres, qu’une scène tragique venait d’avoir lieu ? Elle était, elle aussi, presque livide, mais résolue. Elle marcha vers le groupe,