Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/200

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fataliste, voyez-vous, et c’est pour cela que je suis descendue dans la salle commune, ce soir, quoique je courusse le risque que vous vinssiez me parler devant lui. J’étais décidée à vous dire : « - Vous me prenez pour une autre… » - Puis, quand vous êtes resté sans même faire un geste, et je voyais si bien que vous me reconnaissiez, alors j’ai pensé : C’est mon destin qui me l’envoie, et je vous ai cherché aussitôt le dîner fini… J’ai bien failli le regretter quand vous m’avez plaisantée. Vous m’avez fait tant de peine !… Mais c’est une douce peine, puisque vous venez de me faire tant de bien en me plaignant… » — « J’ai compris que vous souffriez, » lui répondis-je, « il ne fallait pas beaucoup d’intelligence pour cela… Un peu de cœur suffisait… » — « Un peu de cœur, » répéta-t-elle, avec cette espèce de mutinerie désenchantée qui m’était restée dans le souvenir comme le trait le plus charmant de sa nature, et elle insista : — « Un peu de cœur ? Mais qui en a pour nous, quand il ne s’agit pas de nous faire la cour ?… Je n’ai jamais eu beaucoup d’illusion sur ce que les hommes nous donnent, allez, à nous autres. Si