Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/213

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je ne comprends même pas que j’aie pu donner cette imprudente parole. Que savais-je de cette fille, après tout ? Ce que m’en avait raconté le plus imaginatif de mes aînés. Rien de plus. Si. Je savais encore, avec une indiscutable certitude, que, depuis quelque vingt ans, elle trouvait le moyen de se faire deux cent mille francs de rentes dans la galanterie. Par conséquent, elle avait, au service de sa délicate beauté, à tout le moins un sens très pratique de ses intérêts. Il y avait quatre-vingt-dix-neuf chances contre une pour que son apparent scrupule dissimulât quelque adroite rouerie. Cette confidence sentimentale pouvait n’être qu’une comédie, destinée précisément à empêcher que je ne me misse en travers de quelque plan d’exploitation savamment calculé. Oui. J’aurais raisonné de la sorte pour le compte d’un ami qui m’eût rapporté cet entretien en m’interrogeant sur la conduite à tenir. Je lui eusse répété le : « Souviens-toi de te défier, » que le sage Mérimée portait gravé sur son cachet. — Et j’aurais eu tort ! Ce qui prouve une fois de plus qu’en nature féminine tout est possible, même la sincérité. Je n’allais pas