Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/220

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en décharger, et, pour fuir jusqu’à la tentation d’une pareille faiblesse, je pris le parti de quitter l’hôtel le lendemain matin, à peine levé, et de faire une longue promenade qui me rendît du calme en brisant mes nerfs. Je serais sûr de ne pas la rencontrer et de ne pas succomber à ce peu viril désir de reprendre ma parole. Je m’éloignai de Rapallo et je suivis, dans ces pensées, la route qui, par Santa Margherita, contourne le cap, toute blanche entre des oliviers gris. Je ne pus arriver à secouer l’obsession que je fuyais ainsi le long de la mer couleur de turquoise, « turchina, » me dit Umberto le Tanghen, que je rencontrai, armé d’un fusil et revenant avec un chapelet de grives sur son épaule. A un moment, cette route monte, laissant à gauche un château construit dans cette mer même, sur un rocher cerné de vagues, et elle aboutit, vers l’extrémité du promontoire, à ce couvent de la Cervara - restauré malheureusement - où François 1er fut prisonnier après Pavie. On montre toujours, parmi les arbousiers colossaux, « la fenêtre du roi de France, » d’où le prince vaincu interrogeait l’horizon des flots, désespéré de ne voir aucun vaisseau