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d’une orthographe incertaine où s’épanchait le sentimentalisme de jeunes habitantes de ce quartier, aux mœurs aussi incertaines que cette orthographe ; car mes camarades et moi, nous croyions de bonne foi apprendre La Vie - avec quelles majuscules ! — en dépensant les précieuses, les si courtes heures de notre jeunesse et, ce qui est pire, la délicate fleur de notre sensibilité à courtiser des beautés de brasserie et de bals publics… Quand je dis mes camarades, je veux parler des hardis bohémiens, candidats comme moi au titre d’homme de lettres, que je fréquentais hors de la docte école où j’étais élève. Ayant toujours eu un goût singulièrement vif pour une existence en partie double, — trait commun à beaucoup d’écrivains d’imagination, — je me gardais bien de présenter ces compagnons de mes irrégularités, au demeurant assez innocentes, à mes condisciples en philologie. J’allais jusqu’à leur cacher que je m’occupasse peu ou prou de la littérature moderne. Je passais ainsi de la bibliothèque nationale, où j’avais collationné de mon mieux le manuscrit Sigmâ de Démosthène, à un atelier de peintre impressionniste,