Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/28

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des grands Parisiens d’après la guerre comme Desforges celle d’après le coup d État, joint à l’observation aiguë du baron un sens des dessous tragiques de l’existence, auquel répugne l’épicurisme de son vétéran. « Mon opinion, » continua-t-il, « est que Nortier est un gaillard très peu commode en effet, mais qui pratique le proverbe espagnol : La vengeance est un plat qui se mange froid… J’ai une théorie : quand on veut juger quelqu’un, il faut le voir jouer, boire et chasser, et faire des armes, est-ce vrai, Machault ?… Nortier n’a jamais plastronné dans une salle, il travaille l’épée chez lui, par hygiène, n’en parlons donc pas. Mais son procédé à la Bourse, nous le connaissons tous, et comme il opère de longueur, et en attendant son moment. C’est un audacieux patient, et qui ne part jamais qu’à coup sûr. A la chasse de même, je ne lui ai jamais vu perdre une cartouche. Il ne tire qu’à distance et quand il faut. A table, vous savez qu’il ne boit que de l’eau et que, là encore, c’est le surveillé des surveillés. » — « Vous en concluez ?… » fit Portille, qui, en sa qualité d’élégant de la nouvelle école, trouve