Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/290

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ne devait pas durer. Michel avait cru parer à toutes les surprises en évitant de se trouver face à face avec Jeanne, — c’était le nom de la femme indigne à laquelle, par la plus insultante des magnanimités, il avait laissé épouser son complice. — Il ne s’était pas assez défié de lui-même, ni de la maladive et passionnée curiosité qui le rongeait depuis que son ancien ami reposait là. Il allait suffire du bavardage d’un personnage, certes bien étranger au mystère de cette catastrophe intime, pour rouvrir en lui cette blessure de curiosité, et pour lui arracher une question qu’il s’était juré de ne pas poser, comme il s’était jure de ne pas chercher à savoir où se trouvait la tombe de l’ami félon. Il avait trop peur de ne pouvoir résister à cette inexplicable et poignant désir, tout mêlé de haine et d’affection blessée, et dont il ne s’estimait pas : celui d’aller s’en repaître les yeux ?… Ce fut irrésistible et rapide comme une chute dans un abîme, — et très simple… Le gardien avait fini de fermer la petite chapelle, et avec cette familiarité goguenarde qui se développe par la plus étrange des anomalies chez tous les hommes mêlés, de près ou de