Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/297

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parole, qui lui rappelait ses conversations de jeunesse dans ce même endroit avec celui qu’il avait aimé comme un frère, et qui lui avait été un tel bourreau. « Et Jeanne l’a permis !… Elle ne s’est même pas dit que même ces pauvres visites à cette chapelle me fussent rendues douloureuses ! Ils trouvent donc qu’ils ne m’ont pas fait assez souffrir !… » Il se parlait ainsi, et les visions où se résumait cet horrible drame domestique s’évoquaient devant lui, aussi nettes, aussi précises que si la trahison avait daté, non pas de huit années, mais d’hier, mais d’aujourd’hui. Certaines extrémités de douleur morale empoisonnent toute l’âme, dans toutes ses pensées, comme le diabète empoisonne tout le corps, dans toutes ses cellules. La vie en est corrompue dans ses sources mêmes, et détruite cette force plastique qui refait les tissus nouveaux et referme les plaies. Depuis le jour, si lointain pourtant, où il avait surpris le secret de la liaison criminelle entre son ami et sa femme, jamais Michel Gontier n’avait pu guérir… Tout en marchant, en courant presque entre les tombes, il se revoyait à celte époque, et comme