Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/298

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il était jeune d’idées, léger de cœur, alerte à la vie avant la hideuse révélation. Ah ! Il se doutait si peu, une demi-heure, un quart d’heure seulement, cinq minutes avant, qu’il touchait à l’instant tragique de sa vie ! Il était sorti après le déjeuner, ce jour-là, en disant à sa femme qu’il ne rentrerait qu’au soir. Il avait gagné, de la rue de Monceau, qu’ils habitaient, le faubourg Saint-Honoré, puis les Champs-Elysées, pour jouir du beau soleil de printemps dont il se rappelait l’impression grisante, — sa dernière impression vraiment heureuse ! — Le plus vulgaire des motifs, l’oubli de son porte-monnaie, l’avait, à un moment, ramené chez lui. Il avait ouvert la porte avec sa clef, sans sonner, et il avait reconnu dans l’antichambre, d’où le valet de pied se trouvait absent, la canne et le pardessus de Jules Bérion. « Quelle chance ! » s’était-il dit, "je vais l’emmener avec moi ! » Il avait passé de cette anti-chambre dans sa chambre à lui d’abord, par un couloir de côté, sans que personne dans la maison sût sa présence. Pour gagner le petit salon, il lui fallait traverser la chambre de sa femme. La porte qui séparait ces deux dernières