Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/309

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que c’était là le motif pour lequel Bérion avait choisi ce cimetière, quelque chose protestait dans leur commun passé, cet indestructible passé de l’enfance et de la première jeunesse qu’il n’est donné à l’homme d’abolir tout à fait ni dans son cœur ni dans celui de ses compagnons d’alors, quoi qu’il leur fasse et quoi qu’on lui fasse. Et, malgré tous les efforts de sa volonté, l’énigme contre laquelle il se heurtait depuis huit années avec désespoir surgissait de nouveau devant la pensée du malheureux. Comment son ami en était-il venu à lui faire cela, à lui mentir de ce hideux mensonge, à lui déshonorer son foyer, à déshonorer leur amitié aussi, cette mâle et loyale affection, cette espèce de poème à deux, tout fait d’estime et de confiance, dont ils s’étaient, tant d’années durant, enorgueillis l’un et l’autre ? Jules avait pourtant été son ami, son véritable ami. Par milliers, des scènes de leur commune enfance et de leur jeunesse s’évoquaient devant la mémoire de Michel Gontier, naïves preuves d’une fraternité d’élection qui n’avait pas tenu, hélas ! devant la grâce tentatrice d’une femme…