Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/62

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le vrai père de Béatrice, dont il contemplait l’agonie avec un cruel délice, serait là à attendre la réponse, et Béatrice aussi ; et ce qui lui donnait ce mauvais sourire, c’est qu’il avait trouvé le moyen d’atteindre à la fois bien à fond ces trois êtres, — de quelle haine il les haïssait également ! — et de les atteindre non pas pour un jour, non pas pour une heure, mais pour tout ce qu’ils avaient devant eux d’existence à vivre. La liquidation allait avoir lieu, — et, comme il eût dit lui-même, avec une soulte en sa faveur. Cette soulte - pour continuer cette métaphore professionnelle - se débattait quelques heures plus tard, et au moment même où, assis à la table du déjeuner dans la salle à manger de Malenoue, Mme Nortier et San Giobbe, Béatrice et Gabriel causaient ensemble avec cette gaieté douce et tout attendrie qui est celle des réunions de famille à l’approche d’un événement très désiré, dont personne ne parle et que tous connaissent. Ni les uns ni les autres, certes, ne pensaient au redoutable absent, dont le siège à table était occupé ce matin-là par la jeune fille, assise en face de sa