Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/92

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il de quitter son rôle de mari complaisant, alors que les amants passionnés d’autrefois n’étaient plus que des amis ? C était un dilemme bien irréfutable, et qui pourtant ne les convainquait pas. Car Mme Nortier, quoiqu’elle continuât de se dominer, n’arrivait pas à composer tout à fait son visage de blonde, resté transparent malgré les rides. Elle laissait deviner trop de préoccupation, pour que sa fille, qui la connaissait si bien, ne fut pas atteinte, elle aussi, par la contagion de cette crainte vague, comme éparse autour d’elle. Il n y avait que le maître du château dont la physionomie ne portât point l’empreinte d’une secrète inquiétude. Installé au centre de la table, — sa table, — magnifiquement servie, car il pratiquait, même dans la plus stricte intimité, l’ancien adage, le " Lucullus dine chez Lucullus " des vrais parvenus, ses yeux erraient sur le surtout d’argent ciselé - du plus pur style Renaissance, comme le château - qui occupait le milieu. Ils se reportaient sur les tapisseries de la même époque, dont les personnages, hauts comme nature, garnissaient les panneaux de leurs silhouettes pâlissantes ; sur les voussures peintes