Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/98

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guère une explication tragique, son expression était si glacée, et, en même temps, son regard continuait de brûler dans cette face froide d’une flamme si inquiétante, que le cœur de Béatrice était comme serré à l’attente de ce qui allait se passer entre elle et cet homme. Il finit, après avoir bien vérifié et le départ du domestique et la solitude du corridor, par aller à un coffre-fort scellé dans le mur. Il en tira deux enveloppes, qu’il posa sur le bureau, puis, ayant fait à Béatrice, qui était demeurée debout, signe de s’asseoir, il s’assit lui-même à ce bureau, et il commença : « — Votre mère m’a dit qu’elle vous avait parlé d’une demande en mariage dont vous avez été l’objet ?… » Comme on a vu, il ne tutoyait jamais la jeune fille. Cette appellation cérémonieuse qu’il employait, d’ailleurs, aussi pour son autre enfant faisait, ou semblait faire partie du château de Malenoue, de l’hôtel à Paris, de la chasse, de toute cette existence seigneuriale qui ne comporte pas les familiarités vulgaires. Pourquoi, à cette minute, ce « vous » usuel acheva-t-il d’angoisser Béatrice, qui répondit à voix basse : — « Oui,