Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/149

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de traverser lui-même les longues heures d’une anxieuse et cruelle insomnie :

— « Monsieur, je compte sur votre délicatesse pour ne pas chercher à savoir qui je suis, ni le motif qui me fait vous écrire ces lignes. Elles viennent de quelqu’un qui vous connaît sans que vous le connaissiez vous-même, et qui vous estime profondément. Je ne doute donc pas que vous n’entendiez cet appel adressé à votre honneur. Un mot suffira pour vous faire comprendre combien cet honneur est intéressé à ce que vous cessiez de compromettre — bien involontairement, on en est sûr — la paix et le bon renom d’une personne qui n’est pas libre et que sa haute situation expose à beaucoup d’envie. On vous a vu, monsieur, avant-hier, dans la salle de jeu de Monte-Carlo, acheter un objet que cette personne venait de vendre à un marchand. Si c’était là un fait isolé, il n’aurait pas une très dangereuse signification. Mais vous devez vous en rendre compte : votre attitude n’a pu, durant ces dernières semaines, échapper aux commentaires de la malignité. La personne dont il s’agit n’est pas libre. Elle a beaucoup souffert dans son intérieur. Le moindre ombrage, chez celui à qui elle doit son rang, risquerait de provoquer pour elle une catastrophe. Peut-être ne vous dira-t-elle jamais elle-même combien votre démarche, dont elle a été informée, lui a été pénible. Soyez un honnête homme, monsieur, n’essayez pas d’entrer dans une existence que vous pouvez seulement troubler. Ne compromettez