Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/257

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gestes de l’autre, que deux amants ou deux époux dénoncent le mieux l’harmonie intime qui les unit. Olivier et sa femme marchaient hostile. Il faut créer des expressions pour rendre ces nuances du mouvement qui ne se définissent ni ne s’analysent, mais elles se perçoivent avec une indiscutable évidence. Et quelle évidence aussi que cette phrase prononcée par Du Prat, quand le secrétaire de l’hôtel lui montra l’appartement réservé pour lui : — il se composait d’une seule chambre avec un grand lit, de deux cabinets de toilette, dont un très vaste, et d’un salon.

— « Où allez-vous mettre un lit pour moi ? Ce cabinet de toilette est bien petit… »

— « J’aurais un autre appartement avec un salon et deux chambres communicantes, » dit le secrétaire, « mais au quatrième étage seulement. »

— « Cela m’est égal, » répondit Du Prat.

Sa femme et lui remontèrent dans l’ascenseur, sans avoir pris garde aux belles fleurs dont Pierre avait lui-même garni les vases. Il avait paré la chambre conjugale d’Olivier et de Berthe, comme il aurait souhaité que fût parée la chambre d’amour qu’il aurait partagée avec son Elv. Demeuré seul à respirer l’arôme voluptueux des mimosas mêlés de roses et de narcisses, il regardait par la fenêtre le clair paysage de l’après-midi : l’Esterel, la mer et les îles. C’était vraiment un nid de baisers, intime et délicieux, que cette pièce ensoleillée, avec ces parfums et cet horizon ;