Page:Boursault - Théâtre, tome second, Compagnie des Libraires, 1746.djvu/217

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quelque tendresse excitait vos remords,
Jugez en quel péril je me verrais alors.
Il faudrait que mon sang?

LE COMTE DE MORRAY.

Moi, des remords ! moi, Comte !
D'un soupçon qui m'outrage épargnez-moi la honte.
Quelle peur vous alarme ? Et par quel sort fatal [240]
Ai-je pu mériter qu'on me traite si mal ?
Depuis qu'à mes desseins j'ai vu le crime utile,
J'ai secoué le joug de la vertu stérile
Pour acquérir un trône il n'est point de forfaits,
Qui ne changent de nom quand ils ont du succès. [245]
Tant qu'un lâche devoir a réglé ma conduite,
En quel rang ma fortune a-t-elle été réduite ?
Et lorsque sans effroi je me suis écarté,
À quel degré d'honneur suis-je d'abord monté ?
Pour m'exclure à jamais de la toute-puissance, [250]
Ma soeur m'oppose en vain les droits de la naissance.
L'Angleterre exceptée, en tous les autres lieux,
Le règne d'une femme est un règne odieux :
La plus ferme couronne un moment sur sa tête,
Dans l'État le plus calme excite une tempête : [255]