de tout ce qui est, mais aussi la douce certitude
de ce qui est trop beau pour apparaître. »
Un moment, il hésita, reprit plus bas : « Leur
corps ne les retranche pas de ce dont il a faim. Il
leur ouvre un paradis spirituel dans tout ce qui
est tout pour lui : parfums, chansons… ce n’est que
sa misère qu’il me révèle à moi, comme la raison
d’être de mon existence, qui ne fait qu’une avec
mon malheur. » Et, comme s’il avait évité de justesse
une occasion de trop se trahir :
« C’est ici, ajouta-t-il, que commencerait le livre
que je souhaitais d’écrire autrefois : peu de pages,
aussi limpide que possible, de la clarté en mouvement.
Après avoir analysé l’amour en général, ou
avoir demandé à quelqu’un d’aussi obligeant que
vous de me peindre le sien, je le montrerais retourné
contre lui-même dans une nature déshéritée comme
la mienne, où il fait place nécessairement à la connaissance
de soi, source intarissable du pire désespoir.
Ensuite, et ce serait le plus difficile, j’expliquerais
comment il pourrait se faire que l’amour
se changeât en connaissance sans cesser d’obéir à sa
propre attraction qui en fait le centre de l’univers ;
et, puisque c’est de moi qu’il s’agit, je définirais
l’effort que je voudrais encore accomplir pour
aimer l’amour qui m’a donné la force de me connaître.
Car je ne désespère pas de dresser la loi
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