défaillance de l’amour, « la défaillance, répéta-t-il,
la défaillance de l’amour… »
« Dans les yeux que je regarde, il n’y a qu’un peu
plus de jour pour m’aider à me connaître. Il s’allume
des larmes à ces clartés, toutes les larmes,
comme si mon corps lui-même voulait se voir périr.
Si vous saviez combien je crains toutes les expressions
de la désolation de peur de tout y comprendre.
Le cœur d’un homme est un fardeau trop lourd pour
la pensée. C’est de la chair qu’il est le cœur… »
Mon insistance était cruelle, je le sais bien : j’aurais
dû interrompre cette conversation qui lui faisait du
mal. Et je me suis bien des fois demandé si l’exaltation
qui le gagnait par ma faute n’avait pas précipité
le dénouement que nous déplorons encore, sa
famille, ses amis et moi. Mais comment ne pas être
tenté de lui démontrer que je l’avais compris. Un
sophisme — nul ne s’en étonnera — agissait dans
ma vanité, me persuadant que je donnais du prix à
ses spéculations en les lui retournant sous la forme
d’une expression personnelle et que je l’attachais
ainsi à sa destinée qu’il ne pouvait souffrir qu’à la
faveur de pareils artifices :
« Il existe un pays, lui dis-je, le plus divin de tous
qui a sa clarté dans les serments », et, comme il avait
perdu le souffle, cette espèce de provocation le fit
repartir de plus belle. Mais, tout en me parlant, il
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