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la terreur en macédoine

Soliman, qui a pris place parmi les volontaires, est parti en éclaireur.

Il revient en courant.

« Les canons sont là !… tout près… sur le talus… derrière une haie vive.

— En avant !… crie le pope ; en avant !

On monte. Les chevaux tirent à plein collier. On leur pique la croupe avec des couteaux. Ils partent au galop, pendant que les coups de canon tonnent sans relâche.

La troupe en débandade arrive sur le tertre. Il y a, autour des pièces, des caissons et des fourgons, une quarantaine d’artilleurs. L’irruption de ces chevaux à demi emballés, de ces chariots qui cahotent et menacent de verser jette un désarroi complet parmi les soldats et les attelages.

Ces bizarres faucheurs, ces étranges porte-fagots envahissent, en un clin d’œil, l’emplacement de la batterie. Cris, jurons, bousculade, méli-mélo de fourgons et de chariots, de paysans et d’artilleurs, tumulte, bagarre, clameurs… on ne s’entend ni ne se comprend, et le tir forcément s’interrompt.

Cependant, officiers et soldats sont à cent lieues de soupçonner la vérité. On croit à une erreur, à un accident. Le capitaine qui commande l’expédition veut rétablir l’ordre.

En vrai Turc, il se met à cogner, sangle à toute volée, d’un coup de cravache le visage d’un faucheur et s’écrie :

« Mais va-t’en donc, chien de paysan ! »

L’homme recule sans un mot. Il empoigne sa faux et avec une vitesse foudroyante fait le geste du faucheur.