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DES RAPPORTS ET DES LIMITES

sont les différentes branches du droit privé (droit civil, droit commercial, procédure civile). Ces études l’emportent sur toutes les branches du droit par l’ancienneté, l’étendue, la consistance, le nombre et la portée des principes qu’elles mettent en lumière. Ce sont elles qui, à juste titre, donnent le ton à tout l’ensemble ; c’est d’elles que les jeunes intelligences prennent leur pli. Avec le droit criminel, qu’on a coutume de leur adjoindre, elles forment la base de toute éducation juridique. Or, elles présentent toutes ce caractère distinctif qu’elles ont été codifiées. Codifiées, le mot est de grande conséquence. Il implique en effet une sorte de mise en disponibilité de l’histoire et des historiens. La codification est un acte tranchant du législateur, qui coupe en quelque sorte le droit de ses origines, le fonde en entier sur la raison, la justice, l’intérêt public, l’accord et la dépendance mutuelle des différents articles, et le dispense de chercher des précédents ou des titres en dehors d’un instrument authentique, au delà du jour de la promulgation. À qui voudrait remonter plus haut, la loi elle-même semble répondre : A quoi bon ! Il y a eu liquidation de tout le passé et comme un nouveau départ. Ce qui pouvait être conservé du temps jadis a été incorporé dans le texte, y parait sous un nouveau jour et s’explique désormais, moins par la longue suite des changements qui l’ont amené jusque-là, que par sa conformité aux besoins présents et la justesse des rapports qui marquent sa place dans l’ensemble. La codification, c’est la philosophie de la volition créatrice et du plan réfléchi se substituant à la philosophie de l’évolution par modifications partielles et successives. C’est l’œuvre d’art datée et signée, attirant, sur l’ajustement parfait de ses éléments, l’attention et l’intérêt qui s’attachaient naguère aux lentes et obscures élaborations d’où sort tout être réel et vivant. Si le droit codifié a sa philosophie, il a aussi sa logique. L’autorité suprême d’un texte qui dérobe ses causes en donnant ses raisons et qui n’en donne guère que de métaphysiques ou de pratiques incline le juriste à faire de l’analyse son procédé habituel. Chercher dans ce texte et en dégager des principes généraux, des définitions précises, propres à fournir la majeure de syllogismes serrés, tout ramener à ce petit nombre de données simples, et tout conduire ensuite jusqu’à des solutions nettes, à des formules impératives ayant l’allure et le ton qui convient à la loi, voilà l’ambition réfléchie la plus haute, l’effort le plus souvent répété, et, à la fin, la méthode inconsciente de l’entendement. Propositions abstraites, subtiles interprétations verbales, déductions fortement enchaînées, simplifications parfois