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Page:Boutrais - La Grande Chartreuse (Nouvelle édition refondue et mise à jour), 1930.djvu/40

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XIe siècle. S. Bruno, fondateur.

âmes, la proie de vils mercenaires. Si le danger menaçait surtout l’Allemagne, on devait cependant se mettre en garde contre lui et l’écarter dans les autres pays ; Bruno s’opposa comme un mur d’airain au mal qui voulait dominer dans l’Église de France et particulièrement à Reims : il y perdit sa fortune, ses titres et ses charges ; il dut même s’enfuir pour échapper à de plus grands maux, et cet exil dura plusieurs années, mais rien ne put l’empêcher de combattre l’iniquité par tous les moyens en son pouvoir. Enfin la bonne cause triompha, et Bruno, entouré de ce « je ne sais quoi d’achevé que le malheur ajoute à la vertu », rentra dans sa demeure aux applaudissements unanimes de ses nombreux amis.

À cette époque (1082), le clergé de Reims eut à choisir un Archevêque : le légat du Pape, Hugues de Die, préoccupé de cette grave question, avait, déjà depuis longtemps, écrit au Souverain Pontife : il faudrait nommer ou le prévôt Manassès ou maître Bruno[1]. Le clergé rémois partagea ce dernier avis et le choix des électeurs se porta sur Bruno que l’on préféra à tout autre concurrent[2]. La joie des gens de bien fut grande en apprenant qui allait être nommé, lorsque soudain se répandit cette étonnante nouvelle : Bruno s’est démis de ses charges, il a distribué sa fortune aux pauvres, il a quitté la ville, il est parti pour s’ensevelir dans un cloître. À ce moment, où, dans la force de l’âge

  1. Labbe, Concil., X, 365.
  2. Cumque faveret ei fortuna per omnia, jamque hunc præferremus omnibus et merito, omnia postposuit Christo… (Titul. lii. S. Mariæ Remensis Metropolis.)