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Page:Boutrais - La Grande Chartreuse (Nouvelle édition refondue et mise à jour), 1930.djvu/41

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XIe siècle. S. Bruno, fondateur.

et la plénitude de son talent, il allait recueillir le fruit de ses études, de ses leçons et de ses luttes, il quittait le monde ! Quand il allait monter sur un des premiers sièges épiscopaux de France, et, par là, être à même de travailler plus que jamais à la gloire de Dieu, c’est précisément à cette heure favorable que lui, puissant en œuvres et en paroles, se retirait dans la solitude ! Le monde dut blâmer cette démarche ; plusieurs n’allèrent-ils point jusqu’à la taxer de folie ? d’autres certainement lui reprochèrent de se livrer à l’inaction, de s’ensevelir au lieu d’agir, de ne songer qu’à lui sans souci du bien commun ; le monde se trompait, car il n’entend rien aux choses de Dieu, et c’est Dieu même qui, lentement, mystérieusement, guidait Bruno vers la solitude pour y travailler, non sans peine, à créer la grande œuvre que tous connaissent aujourd’hui.

Quel motif particulier décida Bruno à prendre une telle résolution ? Lui-même nous l’apprend dans une lettre intime écrite dans les dernières années de sa vie. Un jour, pendant son exil à Roucy, vers 1077, comme il conversait avec deux amis, Raoul et Fulcius, dans le jardin d’un nommé Adam, chez qui Bruno habitait alors, le discours tomba sur les faux plaisirs, les richesses périssables de la terre et le bonheur de la gloire éternelle. Le cœur des trois amis s’embrasa soudain d’un vif amour pour Dieu, et, sous cette impression, ils firent ensemble la promesse et même le vœu de quitter le monde, de tout abandonner et de prendre l’habit monastique le plus tôt possible ; ils seraient partis sur l’heure, si Fulcius ne les eût