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XIe siècle. S. Bruno, fondateur.

Guibert de Nogent donne un détail que nous croyons devoir relever. « J’ai vu les Chartreux, dit-il, ils ont une riche bibliothèque, quoiqu’ils soient fort pauvres. » Effectivement, Bruno et ses compagnons vivaient à l’étroit : des personnes charitables leur avaient donné d’immenses forêts, ils élevaient des troupeaux assez considérables ; mais troupeaux et forêts rapportaient bien peu, puisque, six cents ans plus tard, un des annalistes de notre Ordre[1], parfaitement renseigné, nous dit qu’à la fin du XVIIe siècle, malgré tant d’améliorations, la vente des bestiaux et des bois rapportait à peine six mille livres par année. Au temps de saint Bruno, ces revenus montaient encore bien moins haut, et il fallait entretenir dans un désert stérile et de si difficile accès, treize moines, seize convers, quelques domestiques ; recevoir un grand nombre de visiteurs et secourir le plus généreusement possible les pauvres mendiants et les indigents des villages voisins. « Ceux qui connaissent, écrivait Dom Guigues en 1127, les lourdes charges qui pèsent sur nous, s’étonnent que nous ne soyons pas réduits à la mendicité[2]. » Les Chartreux n’ont pas oublié les bienfaiteurs qui vinrent autrefois à leur secours de quelque manière que ce soit, et aujourd’hui, après huit cents ans, nous sommes à même de citer le nom de deux pauvres habitants de la Ruchère[3], Mollard et Savignon, chargés par nos premiers Pères de cuire leur pain et de le

  1. Le Masson, Annales, p. 55.
  2. Consuetudines, cap. xx.
  3. Petit village au Nord de la Chartreuse.