Page:Boutroux - De l’idee de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines.djvu/135

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pour se reproduire tels quels. S’ils recèlent dés lois, c’est dans leurs éléments, non dans leur forme concrète, qu’il les faut chercher.

De là un second point de-vue, qu’on peut appeler le point de vue physico-sociologique : on s’efforce de rattacher les faits sociaux, non plus à leurs antécédents également sociaux, mais à des conditions extérieures observables et mesurables, telles que les circonstances géographiques, la densité de la population, la quantité des subsistances. Mais il y a lieu de faire une distinction. La population et la quantité des subsistances ne sont pas des faits bruts comme les conditions climatériques. L’homme, et l’homme social, intervient dans les premiers ; ainsi ils sont déjà sociaux dans une certaine mesure ; et leur demander l’explication de la société, c’est, pour une part, supposer ce qu’on se propose d’expliquer.

Ce n’est pas tout. On veut que les phénomènes sociaux dérivent de conditions extérieures, ainsi que les phénomènes physiques ; mais il est très difficile de montrer cette dérivation. Supposons, par exemple, que l’on explique le développement de la division du travail par le progrès de la densité sociale. Ou invoquera la remarque de Darwin, suivant laquelle des êtres différents vivent plus facilement côte à côte que des êtres semblables : ils se gênent moins les uns les autres, et entre eux la lutte pour la vie est moins ardente. Cette diversité salutaire, l’homme l’obtient par le développement de la division du travail, laquelle apparaît ainsi comme le résultat nécessaire de la lutte pour la vie. Une cause physique, la concurrence vitale, explique de la sorte un fait social, la division du travail.

Mais la loi posée par Darwin s’applique-t-elle inté