Page:Boutroux - De l’idee de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines.djvu/61

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n’est pas moins assurée que l’impossibilité d’en connaître l’essence, et il invoque, pour établir ce double caractère de la force universelle, les conditions de notre conscience et notre constitution mentale. The force of which we assert persistence is that Absolute Force of which we are made indefinitely conscious as the necessary correlate of the Force we know… Affirmer la persistance de la force, c’est affirmer une réalité inconditionnée, sans commencement ni fin. Or, par les conditions mêmes de la pensée, une conscience indéfinie de l’être absolu est posée comme nécessaire. (Prem. Princ., § 60 et sqq) — Mais, comme le fait observer M. Dauriac dans son remarquable ouvrage Des notions de matière et de force dans les sciences de la nature, si ce qui se conserve est inconnaissable, comment savons-nous que cela persiste ? Ou ce principe transcendant n’a rien de commun avec les forces dont il s’agit dans la science, et sa prétendue persistance n’explique rien, — ou il est la substance des forces que nous connaissons ; et, en affirmant sa persistance, on affirme en réalité cette transmutation des forces que rien dans la science n’autorise à admettre.

Selon M. Renouvier, ce qui se conserve est proprement l’énergie cinétique. Mais nous avons vu que les physiciens se défient aujourd’hui de la réduction des phénomènes au mouvement. Il est même des mathématiciens qui jugent les deux principes de la thermodynamique incompatibles avec le mécanisme. L’énergie qui se conserve change en même temps de nature, et sa qualité va toujours en diminuant. En réalité, le principe de la conservation de l’énergie est plutôt un moule de loi qu’une loi unique et déterminée. Toutes les fois que l’on considère un système fermé,