Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tout de suite les valeurs des quantités connues, on obtient des formules qui sont applicables quelles que soient les valeurs (déterminées) que l’on donne ultérieurement à ces quantités dans tel ou tel problème particulier.

En résumé, plus le mécanisme combinatoire qu’est l’algèbre saura s’abstraire de la réalité, plus il étendra sa portée et son champ d’application. Une méthode universelle, une clef de toutes les sciences, voilà ce que, depuis le temps de Raimond Lulle (13e siècle), toute une génération de philosophes rêvait de constituer. Et, si ces philosophes on été pour la plupart de médiocres mathématiciens, ils n’en sont pas moins guidés par le principe même d’où procède l’algèbre. N’est-il pas bien significatif que l’on ait souvent donné cette science le nom même de la méthode pour laquelle s’enthousiasma Raimond Lulle ? L’Algèbre c’est la « méthode par excellence », c’est le « grand art », ars magna, l’ « art entre les arts », artium ars.


II. — L’algèbre cartésienne.

En cherchant à mettre en évidence les tendances propres à l’algèbre, nous avons devancé le cours de l’histoire. Ces tendances, en effet ne se manifestèrent complètement et ne furent érigées en principes de recherche que lorsque l’algèbre fut sortie de la période des tâtonnements. Pour nous rendre un compte exact des vues et des intentions des fondateurs du calcul algébrique, il nous faut étudier de plus près les difficultés

    deurs. Les Cartésiens (Hudde, De reductione æquationum, 1657) furent les premiers à désigner indifféremment par des symboles littéraux non affectés de signes (tels que a, b, c, …, x, …) des nombres pouvant être à volonté positifs ou négatifs.