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rectiligne. « Et il est à remarquer, dit-il, que par a² ou b³, ou semblables, je ne conçois ordinairement que des lignes toutes simples, encore que, pour me servir des noms usités en algèbre, je les nomme des carrés ou des cubes »[1].

Sans doute les propositions géométriques sur lesquelles s’appuie Descartes pour justifier sa manière de voir ont un caractère banal, et bien d’autres que lui les ont mises à profit. Mais il en a tiré un principe qu’il est le premier à énoncer dans toute sa généralité : savoir, qu’il y a parallélisme absolu entre la notion de quantité algébrique et celle de longueur rectiligne ; par conséquent, pour faire de l’algèbre une science à la fois solide et simple, logiquement inattaquable et commode dans la pratique, il suffira de décider que les lettres de l’algèbre représenteront toujours — exclusivement — des longueurs rectilignes[2].

Toutefois, cette convention, comme le fait remarquer un commentateur de Descartes[3], n’a de raison d’être qu’en tant qu’elle nous permet de donner à l’algèbre un fondement solide et qu’elle en rend l’étude plus facile ; car l’algèbre, encore une fois, ne doit pas être regardée comme une science objective au même titre que l’Arith-

  1. La Géométrie, liv. I, Œuvres, édit. Adam-Tannery, t. VI, p. 171.
  2. Cf. Schooten, dans ses Principia Matheseos (édit. latine de la Géométrie, t. II, p. 2 et suiv.) : « Attamen quia tum phantasiæ, tum sensibus ipsis nihil simplicius nec distinctius exhiberi posse occurrit quam rectæ lineæ, quæque relationes et proportiones quæ inter omnes alias res inveniuntur exprimere valent, præstat per prædictas litteras solummodo lineas rectas concipere ».
  3. Florimond de Beaune, dans ses Notæ breves (édit. latine de la Géométrie, t. I, p. 1 et suiv.) : « Optimum vero est, ad stabilienda hujus scientiæ præcepta et ad cognitionem ejus assequendam, ut generaliter rationes hasce in lineis consideremus, etc. »