Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/120

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une voie aux mathématiques ; or il suffisait de parcourir cette voie pour aboutir tout droit aux procédés de calcul qui se développèrent à la fin du xviie siècle.


C’est, comme on sait, le Père Jésuite Bonaventure Cavalieri, professeur au gymnase de Bologne, qui osa le premier affirmer la légitimité du calcul des infiniment petits, en publiant en 1635 sa Géométrie des Indivisibles[1]. Entendons par là : la Géométrie qui a pour objet de construire le continu avec les indivisibles, ou éléments infiniments petits. Le point de vue de l’auteur, la hardiesse de son langage ne pouvaient manquer d’attirer l’attention. Effectivement, de vives discussions s’engagèrent bientôt autour du livre de Cavalieri. Elles se poursuivirent à l’occasion des travaux de Wallis, de Leibniz, de Newton, et restèrent à l’ordre du jour jusqu’à la fin du xviiie siècle. De plus en plus, cependant, ces discussions s’écartèrent des problèmes techniques pour mettre aux prises des idées purement philosophiques. Ainsi que le remarquait déjà Cavalieri[2], c’est lorsqu’ils quittent le terrain géométrique que les savants cessent de s’entendre sur la question de l’infini.

La principale innovation de Cavalieri consiste à introduire, non seulement une terminologie, mais certains procédés d’exposition, qui choquaient les algébristes épris des traditions et de rigueur logique. Aux critiques que lui adressaient ces algébristes, cependant,

  1. Geometria indivisibilibus continuorum nova quadam ratione promota, Bologne, 1635.
  2. Exercitationes geometriæ sex, 1647, p. 241 : « In his enim jurgiis et disputationibus potius philosophicis quam geometricis, mihi fere semper ægrotanti nequaquam quod superest tempus inaniter terendum esse censeo. » — Cf. Brunschvicg, les Étapes de la philosophie mathématique, p. 187.