Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/121

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Cavalieri était à même de répondre facilement. Il pouvait observer que les géomètres auxquels ses travaux l’apparentaient — Képler notamment[1] — en avaient usé beaucoup plus librement que lui-même avec la logique. Ceux-ci, en effet, dans leurs calculs relatifs aux aires et aux volumes, s’étaient le plus souvent bornés à imiter les méthodes d’Archimède, mais en supprimant les détours et en négligeant les précautions qui avaient permis au grand géomètre grec de justifier sa manière de faire. C’est que les savants en question appartenaient à cette école de la Renaissance qui faisait bon marché de la signification objective des calculs pourvu que ceux-ci fussent féconds en résultats utiles. Et, se plaçant au même point de vue, Cavalieri pouvait estimer à bon droit que ses procédés de calcul devaient être, pour le chercheur en quête d’inventions nouvelles, particulièrement commodes et subjectifs.

En somme l’histoire du calcul des indivisibles fut celle de toutes les théories algébriques. La surprise que causa ce calcul et les objections qu’il souleva tiennent à la façon dont il fut d’abord présenté. Mais, dès que les principes dont il procède eurent été épurés et étudiés à la lumière de la géométrie grecque, il entra tout naturellement dans le giron de la science classique. Ce fut Cavalieri lui-même qui commença le travail de mise au point. Ma méthode, dit-il en substance[2], n’oblige nullement à considérer les surfaces ou corps géométriques comme effectivement composés de figures ayant

  1. Dans la Nova Stereometria Doliorum Vinariorum, accessit Stereometria archimedeæ supplementum, Linz, 1615.
  2. Quoad continui compositionem, manifestum est ex præostensis ad ipsum ex indivisibilibus componendum nos minime cogi ; solum enim continua (les corps) sequi indivisibilium proportionem, et e converso, probare intentum fuit.