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cul des dérivées et des intégrales, le calcul des séries, avaient été codifiés et formaient désormais un ensemble aussi bien ordonné et aussi précis que l’algèbre proprement dite. La géométrie cartésienne, en perfectionnant de plus en plus son mécanisme, avait décidément supplanté les méthodes grecques de démonstration. La mécanique s’était constituée en science analytique en prenant modèle sur la géométrie.

Là même où les calculs algébriques paraissaient devoir céder le pas à d’autres procédés, c’étaient encore l’esprit et le point de vue de l’algèbre qui dirigeaient la pensée des mathématiciens. Nous pouvons nous en rendre compte en considérant l’histoire de la géométrie, laquelle se trouve être à ce point de vue particulièrement instructive.

On sait que, malgré le triomphe de la méthode cartésienne, une réaction se produisit, chez certains mathématiciens contre la réduction — poussée trop loin à leur goût — de la géométrie à l’algèbre. Pour instituer en géométrie une méthode de découverte plus rapide et plus puissante que celle des Grecs, il n’était ni nécessaire ni avantageux — pensaient ces savants — de toujours avoir recours au calcul ; des considérations purement géométriques pouvaient conduire, plus directement que l’algèbre, à des résultats aussi remarquables. Déjà au xviie siècle, Desargues avait conçu une méthode — fondée sur la transformation des figures par projection — qui lui avait permis de fonder[1] une théorie générale des sections coniques ayant un caractère géométrique. Pascal, dans ses premières études sur les coniques[2],

  1. Principalement dans le Brouillon projet d’une atteinte aux événements des rencontres d’un cône avec un plan, 1639.
  2. Études inachevées qui conduisirent Pascal aux théorèmes exposés dans son Essai pour les coniques, 1640.