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principalement fondée sur deux principes déjà pressentis par Monge, le principe de continuité et le principe de projection.

On comprendra la nature et la portée de ces deux principes en voyant en quels termes Poncelet nous donne la définition générale du premier. « Considérons — dit-il[1] — une figure quelconque, dans une position générale, et en quelque sorte indéterminée, parmi toutes celles qu’elle peut prendre sans violer les lois, les conditions, la liaison qui subsistent entre les diverses parties du système (constitué par la figure aux termes de sa définition) ; supposons que, d’après ces données, on ait trouvé une ou plusieurs relations ou propriétés, soit métriques, soit descriptives, appartenant à la figure. N’est-il pas évident que si, en conservant ces mêmes données, on vient à faire varier la figure primitive par degrés insensibles, ou qu’on imprime à certaines parties de cette figure un mouvement continu d’ailleurs quelconque, n’est-il pas évident que les propriétés et les relations trouvées pour le premier système demeureront applicables aux états successifs de ce système ? »

À lire ces considérations on devine sans peine ce qu’est devenue la géométrie préconisée par Poncelet. C’était, au fond, une algèbre déguisée. En effet, Poncelet et ses continuateurs font totalement abstraction de la « figure » en géométrie pour ne considérer que des lois, des conditions, des liaisons ; sous le nom de continuité, ils introduisent les notions de variable et de fonction ; enfin l’application de leurs principes les conduit à placer à la base de l’édifice géométrique une étude générale des transformations des figures, qui est en somme l’étude de certaines fonctions. Aussi n’est-il pas surprenant que la

  1. Loc. cit., p. 28.