Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/144

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nouvelle géométrie — développée (en Allemagne notamment) sous le nom de géométrie synthétique pendant la première moitié du xixe siècle — ait finalement trouvé avantage à s’opprimer dans la langue du calcul et soit devenue aussi algébrique que la géométrie cartésienne.

Mais, ce qu’il est intéressant de remarquer, c’est que, sous sa forme primitive, et alors même qu’elle restait purement géométrique, la méthode de Desargues, de Monge et de Poncelet, méthode de synthèse, de combinaison et de généralisation, méthode à marche régulière où rien (selon Poncelet) ne devait plus être laissé au hasard, était au fond la méthode même de l’algèbre, appliquée à un objet autre que le calcul.

Aussi bien était-il évident a priori que le champ d’application de la méthode synthétique pratiquée par les algébristes dépassait infiniment le cadre du calcul classique. Les procédés que l’on avait employés pour combiner les opérations de l’arithmétique devaient permettre de combiner et d’étudier semblablement, soit des déplacements ou des transformations géométriques, soit même des composés ou des groupements d’autre nature, formés avec les éléments les plus divers. C’est ce que Leibniz avait bien pressenti lorsque, dans sa jeunesse, il rêvait de constituer une Combinatoire générale, c’est-à-dire une science qui, au moyen d’un symbolisme opératoire approprié (caractéristique universelle), étudierait l’ensemble des combinaisons auxquelles peuvent donner lieu les quantités, les figures, et, en général, toutes les notions mathématiques ou logiques. Cette science, « dont ce que nous appelons l’Algébre ou l’Analyse n’est qu’une branche fort petite »[1] ne serait limitée dans

  1. De la méthode de l’universalité, apud Opuscules et fragments inédits de Leibniz, p. 98.