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intéresse, et non les résultats des opérations qui y entrent. Le symbolisme qu’introduit la théorie a été construit en conséquence. Il nous permet de traiter les déterminants, tels que a b
c d
, comme autant de blocs ou d’éléments unitaires, sur lesquels on calcule suivant certaines règles déterminées.

Quant aux expressions de la seconde sorte, et qui correspondent à des notions étrangères à l’algèbre élémentaire, elles se rencontrent principalement dans la théorie des quantités imaginaires. Pour obtenir cette théorie, on introduit, comme on sait, un symbole i dont le carré est par définition égal à −1 et auquel on convient, d’ailleurs, d’appliquer, sans modification, toutes les règles de calcul auxquelles sont soumis les signes littéraux ordinaires de l’algèbre. Combinant, alors, le symbole i avec des nombres ou des quantités algébriques quelconques, on obtient des expressions, qui ne représentent aucune grandeur ni aucun résultat d’opérations réelles, mais qui ont — formellement — une structure analogue à celle des véritables expressions algébriques.

On sait après quelles hésitations les mathématiciens se décidèrent à reconnaître la légitimité du calcul ainsi défini. Bien que l’utilité de ce calcul fût apparue dès le xve siècle[1] et que certains novateurs, notamment Albert Girard, en 1629[2], n’eussent pas craint d’en faire un usage un peu imprudent pour leur temps, la notion d’imaginaire continua pendant longtemps à étonner les mathématiciens (qui ne s’attendaient pas à la trouver si féconde) et à inquiéter les philosophes. Il suffit, cependant, de rapporter l’algèbre imaginaire à sa véritable ori-

  1. Par exemple, à Nicolas Chuquet et à Luca Paciuolo.
  2. Invention nouvelle en l’Algèbre, Amsterdam, 1629.