Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/159

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clarifié, sans doute, les principes de l’algèbre logique, et lui ont permis de prendre décidément place au rang des sciences exactes ; mais le champ d’application de leurs méthodes est resté, malgré leurs efforts, extrêmement limité.

Quoi que l’on pense, cependant, de l’algèbre logique, on doit admettre que l’essor remarquable pris par cette science dans les dernières années du xixe siècle est un fait historique important. Il faut y voir la dernière manifestation, l’aboutissement tardif, du grand mouvement de pensée qui, préparé par les premiers algébristes, affermi par Descartes, s’est développé avec ampleur au cours du xviiie siècle et a transformé peu à peu la physionomie de la science mathématique.


Apres avoir passé en revue les principales théories auxquelles le mouvement dont nous parlons a donné naissance, nous sommes à même de discerner plus nettement qu’auparavant les vues générales et les tendances intellectuelles dont ces théories sont connexes.

Quelle est — en somme — la conception de la science mathématique que la pratique de la méthode algébrico-logique et la confiance en l’omnipotence de cette méthode devaient naturellement suggérer aux mathématiciens ?

À la base de cette conception se trouve, comme nous le savions déjà, l’idée que la Mathématique parfaite serait une science synthétique et mécanique dont les calculs s’effectueraient, pour ainsi dire, automatiquement. Sur cette idée fondamentale viennent, cependant, s’en greffer deux nouvelles, que nous ne trouvons pas encore chez Descartes et chez Leibniz, mais qui sont conformes à l’orientation générale donnée par ces savants à la pensée mathématique : savoir, d’une part