Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/166

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vait[1] : «Il semble donc que l’objet essentiel et même unique de la Mathématique pure, soit non plus l’idée de nombre, mais l’idée d’ordre ».

Cependant, pour déterminer les caractères spécifiques de « l’Analyse » suffit-il d’indiquer la genèse des notions premières sur lesquelles raisonne cette science ? Nous avons le droit d’en douter, car les théories relatives à la définition des quantités continues, par exemple, ne sont, à proprement parler, qu’une introduction aux mathématiques pures. Sans doute, il est question en Analyse de variables qui passent par des séries de valeurs ; mais ces variables ne jouent un rôle qu’en tant que l’on pose à leur sujet certains problèmes d’une nature spéciale. Or, ces problèmes, croit-on les caractériser suffisamment en se bornant à affirmer qu’ils mettent en évidence des « relations spatiales » ? Ou espère-t-on définir tous en disant qu’ils se rattachent à la notion d’ordre ? Il suffit de regarder les théories les plus notoires de l’Analyse moderne pour y discerner un grand nombre de problèmes qui font intervenir d’autres notions et pour comprendre en même temps pourquoi les définitions auxquelles nous faisons allusion sont fatalement condamnées à être imparfaites. Ainsi que nous l’expliquerons plus loin, en effet, les problèmes dont s’occupe aujourd’hui l’Analyse sont en partie indéterminés. La forme qu’ils prennent dans nos théories a un caractère variable et provisoire. On ne voit donc pas comment il serait possible de les embrasser dans une définition limitative arrêtée une fois pour toutes.

Mais, renonçant pour l’instant à définir d’emblée la Mathématique, voyons s’il ne serait pas possible d’aborder par l’autre bout la question qui nous intéresse. En

  1. Les principes des Mathématiques, apud Revue de Métaphysique, juillet 1904, p. 675.