Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/179

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que nous avons indiquées, paraissait s’écarter désormais du point de vue synthétique. C’est dire — si l’on admet notre définition de l’algèbre — que non seulement elle se séparaît de la logique, mais qu’elle s’éloignait également de l’idéal algébrique et que ses progrès cessaient d’être solidaires de ceux de la science du calcul. Si les faits mathématiques ne peuvent plus être envisagés comme les résultats de constructions synthétiques, l’algèbre doit être impuissante à nous les révéler.

Cette diminution du rôle et de la portée de l’algèbre s’est-elle ouvertement manifestée dans les théories mathématiques écloses au xixe siècle ? A-t-elle été reconnue et admise par les mathématiciens contemporains ? Pour nous éclairer à ce sujet, nous ne saurions mieux faire que de considérer, à titre d’exemple, la théorie mathématique des fonctions qui occupe une place centrale dans l’œuvre des analystes du xixe siècle[1]. En nous reportant à l’origine de cette théorie, en considérant les étapes qu’elle a successivement franchies, nous serons à même d’apprécier les difficultés qu’y a rencontrées l’algèbre et nous comprendrons les conséquences historiques qui résultent de ces difficultés.


Nous avons déjà indiqué dans un chapitre précédent[2] comment l’idée mathématique[3] de la fonction était née de la pratique des opérations algébriques ; nous

  1. Cf. Vito Volterra : « Je n’ai pas hésité en 1900, au Congrès des Mathématiciens de Paris, à appeler le xixe siècle le siècle de la théorie des fonctions » (apud Henri Poincaré, Alcan, 1914, p. 14).
  2. Chapitre II.
  3. Remontant aux origines historiques de l’étude mathématique des fonctions, nous laissons de côté dorénavant les théories purement logiques des relations fonctionnelles, que l’on a essayé de construire à la fin du xixe siècle.