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tions elles-mêmes. Les correspondances qu’elles représentent ne sont algébriques qu’en puissance.

Telle est la conclusion qui, à la suite des travaux de Lagrange et des grands analystes de son époque, s’imposait naturellement à l’esprit. Évidemment, il ne serait pas défendu, si nous y trouvions avantage, de donner au mot Analyse un sens plus étroit, de restreindre volontairement notre conception de cette science, et de limiter son rôle à l’étude des transformations successives d’égalités déterminées. Par exemple, nous définirions, suivant le procédé indiqué plus haut, une suite de classes de fonctions représentables par des séries (S), et nous rejetterions de parti pris toute fonction étrangère à ces diverses classes, de même que Descartes excluait de la géométrie les courbes qu’il appelait mécaniques.

La construction d’une telle Analyse est possible, quoique laborieuse, et nous en trouvons les bases dans les travaux de Kronecker continués et interprétés par MM. J. Drach et É. Borel. Le point de vue de ces analystes, en arithmétique par exemple, « peut être caractérisé par le fait que l’on ne fait jamais intervenir dans chaque question qu’un nombre limité de nombres entiers au moyen desquels tous les éléments de la question sont explicitement définis… Certains esprits verront là une lacune ; d’autres penseront, au contraire que, pratiquement, tout nombre, pour être connu effectivement, doit pouvoir être caractérisé par un nombre fini de mots, et, par suite, doit trouver sa place dans le système de M. Drach, convenablement complété[1] ». La méthode employée consiste à découper dans l’Analyse ordinaire un système fermé, dit système logique, tel que toute opération faite sur des éléments appartenant à ce système

  1. Émile Borel, Contribution à l’analyse arithmétique du continu, apud Journal de Mathématiques pures et appliquées, 1904.