Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/19

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Que la résolution de l’équation du troisième degré soit due à Tartaglia ou à Cardan, que les premières équations de la géométrie analytique aient été formulées par Descartes, par Fermat ou par un troisième géomètre, que telle règle de calcul infinitésimal nous vienne de Newton, de Leibniz ou d’un Bernoulli, on ne saurait tirer de ces faits aucune conclusion utile. Plus curieux, sans doute, sont les rapprochements que l’on peut établir parfois entre des œuvres d’époques très différentes, et qui permettent de découvrir dans des écrits anciens et peu connus les germes de théories regardées jusqu’alors comme beaucoup plus récentes. C’est ainsi, par exemple, que l’on trouve chez Apollonius, chez Nicole Oresme (xive siècle), chez Marino Ghetaldi (xvie siècle), certaines études qui nous font immédiatement penser à la géométrie cartésienne. Mais l’on doit se méfier des ressemblances de ce genre, lesquelles sont souvent de pure forme, c’est-à-dire ne portent que sur les manifestations de la pensée scientifique (énoncés de faits, formules ou théorèmes) et non point sur les tendances et l’action créatrice de cette pensée. Ce qui nous paraît, quant à nous, être vraiment intéressant dans l’histoire des sciences, ce n’est point de constater que tel ou tel fait a été rencontré ou pressenti à telle époque ; c’est de reconnaître comment ce fait est entré dans un système, quel courant de recherches a conduit à le regarder comme important, de quel mouvement de pensée il a lui-même été le point de départ. C’est en d’au-