Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/190

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du monde des figures, celles aussi des grandeurs mesurables, chez lesquelles s’opère la synthèse de la quantité et de la figure, la réunion de l’arithmétique et de la géométrie.

Avec la diffusion de l’algèbre, cependant, une révolution s’accomplit. De contemplative qu’elle était, la science se fait constructrice. Il en résulte une méthode et un point de vue entièrement nouveaux.

Composer, à partir d’éléments simples, des assemblages de plus en plus complexes et bâtir ainsi de toutes pièces, par sa propre industrie, l’édifice de la science, telle apparaît désormais la tâche du mathématicien. La faculté créatrice du savant se trouve à tel point exaltée, dans cette période nouvelle, que, de moyen qu’elle était, elle se transforme bientôt en but. Laissant aux praticiens le soin d’interpréter et d’utiliser ses théories, le mathématicien de l’école algébriste attache moins de prix aux théories construites et aux résultats acquis qu’à la méthode par laquelle il y parvient. Son but principal n’est pas de connaître des faits nouveaux, mais d’accroître sa puissance créatrice et ses ressources de constructeur en perfectionnant de plus en plus ses procédés.

Cependant, les progrès mêmes de la mathématique algébrique ne pouvait manquer de faire surgir certaines difficultés et d’amener une réaction. Avant même que cette mathématique eût achevé de développer ses méthodes et d’asseoir sur des bases logiques rigoureuses l’édifice de la science (ce qui fut, en gros, l’œuvre de la première moitié de xixe siècle) un léger malaise, puis des tendances nouvelles se manifestèrent, dont nous avons cherché tout à l’heure à déterminer les causes.

En creusant la conception algébriste des mathématiques, en pénétrant aussi avant que possible dans son principe, nous étions arrivés à la formule suivante : la